Livret A : Est-il possible d’utiliser l’argent épargné sur le compte de mes enfants ?

Investir dans un Livret A pour votre enfant peut générer des rendements intéressants, avec un taux d'intérêt de 3% en 2024.

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Vous possédez des fonds que vous aimeriez investir de manière sûre et non imposable, mais tous vos livrets d’épargne réglementés sont déjà pleins? Il pourrait être intéressant de déposer cette épargne sur le Livret A de l’un de vos enfants. Dès sa naissance, il est en effet possible d’ouvrir un Livret A à son nom. Et à partir de ses 12 ans, un Livret Jeune peut être ouvert, dont le taux est librement déterminé par les banques, sans pouvoir être inférieur à celui du Livret A.

Le parent est le gestionnaire légal du Livret A de son enfant mineur

Investir votre épargne excédentaire dans ce type de placement pourrait être une bonne stratégie pour la faire fructifier grâce à son taux d’intérêt de 3%. Rien que pour l’année 2024, si vous remplissez le Livret A  de votre enfant à son maximum (22 950 €), cela générerait 688,50 € d’intérêts. Mais cela est-il totalement autorisé?

En tant que parent, vous êtes le représentant légal de votre enfant et vous avez le droit de gérer son patrimoine, y compris ses livrets. Et ce jusqu’à sa majorité. « C’est ce que stipule l’article 388-1-1 du Code Civil, qui indique que le parent est le gestionnaire légal du mineur dans tous les actes de la vie civile », précise l’avocate spécialisée en droit bancaire, Aude Poulain de Saint-Père. En théorie, il pourrait donc disposer de l’argent déposé sur le Livret A et bénéficier de la disponibilité des fonds qu’offre un livret. Sans même avoir à demander l’avis de l’enfant mineur…

Un droit d’usage sur les intérêts du Livret A … mais sous conditions

Cependant, Maître Poulain de Saint-Père met en garde: « Un dépôt sur un livret peut être considéré comme une donation. Les sommes qui apparaissent sur le compte bancaire appartiennent à l’enfant, de manière irrévocable et définitive ». Les parents ne sont donc pas supposés toucher au capital qu’ils ont déposé sur le Livret A . S’ils le font, cela pourrait être considéré comme une faute envers leur enfant. Et si ce dernier décide par exemple à sa majorité de demander à sa banque des comptes sur la gestion qui a été faite de son argent, il pourrait demander une restitution de la somme, voire des dommages et intérêts. « Les parents s’exposent donc à des risques », résume l’avocate.

Cependant, elle précise que « les parents sont censés bénéficier d’un droit d’usage sur l’épargne de l’enfant ». Ce droit d’usage dont peuvent bénéficier les parents correspond aux intérêts du Livret A . Ils peuvent tout à fait aller y puiser. Mais une condition existe: ils sont supposés utiliser cet argent uniquement pour les besoins de l’enfant. Des frais liés à sa santé, son éducation ou son alimentation. « S’ils l’utilisent pour leurs besoins personnels, l’enfant pourra là encore leur demander des comptes à sa majorité. Et le cas échéant, les condamner à le rembourser », affirme Aude Poulain de Saint-Père.

La banque peut-elle être tenue responsable?

Enfin, elle évoque le rôle des banques dans ces situations. Peuvent-elles être tenues responsables dans des cas où des parents auraient dilapidé tout ou une partie de l’épargne de leur enfant sur le Livret A ? « On peut estimer qu’elles devraient avoir un devoir de vigilance sur les comptes de mineurs qu’elles détiennent. Et ainsi on pourrait les mettre en cause dans ce genre de situation », établit la spécialiste en droit bancaire. Pourtant, ce n’est pas ce que dit la jurisprudence.

Maître Poulain de Saint-Père cite alors un arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2017 se prononçant sur une affaire de ce type. Une mère de famille avait prélevé, à son profit, la somme de 14 151,04 € sur un compte appartenant à son fils. Entre-temps, une tutelle aux biens avait été ouverte pour le mineur et le tuteur a assigné la banque en responsabilité et remboursement des sommes prélevées.

La banque avait dans un premier temps été condamnée par une Cour d’appel à payer la somme en réparation du préjudice subi par le mineur. Mais cette décision a été annulée par la Cour de cassation. « Elle a considéré que la seule chose que la banque avait à vérifier lors d’un retrait sur le Livret A d’un mineur, est que ce soit bien le représentant légal qui l’effectue », conclut l’avocate. Cette décision fait jurisprudence depuis.