Pesticides dans l’eau du robinet : voici pourquoi les seuils des autorités sanitaires alarment

Au moins un Français sur cinq aurait bu une eau du robinet contaminée aux pesticides. Les seuils ont été relevés, ce qui fait débat !

© B.Dn-lesoir

Montrer Dissimuler le sommaire

Visiblement, un foyer sur cinq buvait de l’eau de robinet contaminée aux pesticides sans le savoir. L’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a pris la décision d’augmenter les seuils pour rendre la qualité de l’eau du robinet conforme…

Pesticides dans l’eau du robinet : existe-t-il un risque sanitaire ?

La qualité de l’eau du robinet est un enjeu sanitaire qui revient souvent dans les débats. Une étude réalisée par le Monde et France 2 nous apprend que 20% des Français auraient bu une eau en dehors des seuils de qualité, en 2021. Ce pourcentage n’était que de 5,9% en 2020.

Fin septembre, l’Anses a pris une mesure qui fait polémique. Deux métabolites qui viennent de pesticides étaient jugés dangereux pour la santé. Bizarrement, l’autorité sanitaire a augmenté leur seuil. Maintenant, elles sont jugées « non pertinentes ». Leur seuil est passé de 0,1 microgramme par litre (µg/L) à 0,9 µg/L. Ainsi, cela signifie que même si ces pesticides sont en forte concentration, l’eau du robinet redevient quand même conforme. À savoir, la conformité de l’eau du robinet était possible si elle était en dessous de 0,1 µg/L. Plusieurs associations déclenchent la sonnette d’alerte sur les risques sanitaires.

Quel est le chemin de l’eau jusqu’à chez vous ?

Votre eau du robinet doit réaliser tout un parcours pour arriver jusqu’à chez vous. En France, cette eau vient des nappes phréatiques, des rivières, des lacs ou des barrages. Elle subit un traitement spécifique dans les 15 000 stations de l’hexagone. Le but est de supprimer toutes les molécules potentiellement dangereuses pour votre organisme. Il y a aussi un contrôle de « la qualité microbiologique et physico-chimique de l’eau ». Par exemple, sa teneur en minéraux ou en oligo-éléments, comme l’explique l’Anses.

Ce sont les agences régionales de santé (ARS) qui ont la responsabilité de vérifier la qualité de notre eau du robinet. « Les ARS définissent les substances devant être recherchées dans l’eau et analysées, en fonction des populations et des zones concernées », explique la toxicologue Pauline Cervan à nos confrères d’actu.fr et précise aussi : « Par exemple, les zones montagneuses où l’agriculture est faible présentent généralement une meilleure qualité d’eau, car on y recourt moins aux pesticides. »

Quelles sont les règles pour l’eau du robinet ?

Que peut-on trouver dans notre eau du robinet ? Les scientifiques chassent des restes de médicaments, des polluants de type métaux lourds (plomb ou cadmium), des pesticides… Pour définir si ces substances sont néfastes ou pas, on dit qu’elles sont « pertinentes » ou « non pertinentes » pour la santé humaine, les autorités sanitaires ont défini des seuils maximums autorisés, sur la base de « valeurs réglementaires ».

Est-ce qu’on peut nous couper l’eau du robinet ?

« Lorsque que ce seuil est dépassé, cela veut dire que la qualité de l’eau distribuée au robinet se dégrade », indique l’Anses. Pauline Cervan se veut rassurante et explique que l’eau ne sera pas coupée. Même si la qualité est moindre, elle reste consommable « Le distributeur doit tout faire pour limiter cette contamination et rétablir la qualité de l’eau. » En effet, nous manquons de données sur le long terme.

L’Anses ajoute : « Différentes actions peuvent être engagées selon le contexte : protection accrue de la ressource, interconnexions entre différentes ressources d’eaux brutes, dilution, traitement renforcé de l’eau distribuée. » Si vous buvez l’eau du robinet, on vous rassure : « Il n’y a pas de risque immédiat pour la santé si on dépasse la valeur réglementaire, c’est un indicateur de qualité de l’eau », selon la toxicologue.

Les pesticides recherchés par les autorités sanitaires

Cela fait plusieurs années que les autorités sanitaires recherchent les pesticides et leurs métabolites un peu partout, mais notamment dans l’eau du robinet. Ainsi, comme les recherches se concentrent davantage sur eux, on les repère aussi plus souvent. « On trouve ce que l’on veut bien chercher ! », déclare Pauline Cervan.

« Les métabolites sont issus de la transformation de la substance active du pesticide. Une fois répandue dans les champs et dans les sols, la substance active se dégrade avec le soleil, l’humidité… et ça devient le métabolite », explique l’expert, un membre du collectif Générations Futures.

Depuis les réévaluations fin septembre dernier, l’Anses a étudié la toxicité des métabolites ESA du S-métolachlore et NOA du S-métolachlore. Ces métabolites viennent d’une substance active herbicide, utilisée depuis 2005 et présente dans la plantation de maïs. « On les trouve principalement dans les Hauts-de-France et la Bretagne, du fait de la culture important de cette céréale », précise Pauline Cervan.

Un seuil relevé de neuf fois qui fait débat

À la base, le seuil considéré comme « pertinent » pour ces deux métabolites était fixée à 0,1 µg/L. Depuis fin septembre, l’Anses a changé leur classification et sont devenus « non pertinentes » pour la santé des consommateurs. Ainsi, leur seuil passe de 0,1 µg/L à 0,9 µg/L. Dans d’autres termes, les autorités acceptent une concentration neuf fois plus forte de ces substances dans l’eau. Bien sûr, sans que cela modifie la qualité ou la gravité. Forcément, cela ne passe pas du tout auprès des associations.

Une spécialiste dénonce le manque de données

Les métabolites possèdent des seuils réglementaires, mais n’ont pas de valeurs sanitaires. Pauline Cervan regrette cette trop forte augmentation du seuil. Selon elle, les données sont insuffisantes pour juger de leur danger sur la santé des populations. « Le problème des métabolites, c’est qu’au moment de leur mise sur le marché, leur toxicité (cancérigène, endocrino-perturbatrice, etc.) n’est pas évaluée sur le long terme. Il y a une faille dans la réglementation. Relever les seuils autorisés de métabolites dans l’eau, in fine, c’est exposer les consommateurs à des substances potentiellement dangereuses. », explique Pauline Cervan.

Pour sa défense, l’Anses indique que le classement d’un métabolite peut changer « grâce à l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques relatives aux critères à partir desquels ce classement est établi. Un métabolite peut donc passer d’un classement de pertinent à non pertinent, et inversement ». L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) indique qu’il y a plus de vingt pesticides sans valeurs sanitaires… C’est peut-être le moment de stopper l’eau du robinet et de passer à l’eau en bouteille ? À méditer !